Textes philosophiques
Jules Lequier L'expérience première du libre-arbitre: la feuille de charmille
Il est une heure de l'enfance qu'on n'oublie jamais : celle où l'attention venant à se concentrer avec force sur une idée, sur un mouvement de l'âme, sur une circonstance quelquefois vulgaire, nous ouvrit, par une échappée inattendue, les riches perspectives du monde intérieur : la réflexion interrompit les jeux, et, sans l'aide d'autrui, l'on s'essaya pour la première fois à la pensée.
Un jour, dans le jardin paternel, au moment de prendre une feuille de charmille, je m'émerveillai tout à coup de me sentir le maître absolu de cette action, toute insignifiante qu'elle était. Faire, ou ne pas faire ! Tous les deux si également en mon pouvoir ! Une même cause, moi, capable au même instant, comme si j'étais double, de deux effets tout à fait opposés ! Et, par l'un ou par l'autre, auteur de quelque chose d'éternel, car quel que fût mon choix, il serait désormais éternellement vrai qu'en ce point de la durée aurait eu lieu ce qu'il m'aurait plu de décider. Je ne suffisais pas à mon étonnement ; je m'éloignais, je revenais, mon cœur battait à coups précipités. J'allais mettre la main sur la branche, et créer de bonne foi, sans savoir, un mode de l'être, quand je levai les yeux et m'arrêtai à un léger bruit sorti du feuillage. Un oiseau effarouché avait pris la fuite. S'envoler, c'était périr : un épervier qui passait le saisit au milieu des airs. C'est moi qui l'ai livré, me disais-je avec tristesse : le caprice qui m'a fait toucher cette branche, et non pas cette autre, a causé sa mort. Ensuite, dans la langue de mon âge (la langue ingénue que ma mémoire ne retrouve pas), je poursuivais : Tel est donc l'enchaînement des choses. L'action que tous appellent indifférente est celle dont la portée n'est aperçue par personne, et ce n'est qu'à force d'ignorance que l'on arrive à être insouciant. Qui sait ce que le premier mouvement que je vais faire décidera dans mon existence future ? Peut-être que de circonstance en circonstance toute ma vie sera différente, et que, plus tard, en vertu de la liaison secrète qui par une multitude d'intermédiaires rattache aux moindres choses les événements les plus considérables, je deviendrai l'émule de ces hommes dont mon père ne prononce le nom qu'avec respect, le soir, près du foyer, pendant qu'on l'écoute en silence.
Ô charme des souvenirs ! La terre s'embrasait aux feux du printemps et la mouche vagabonde bourdonnait le long des allées. Devant ces fleurs entr'ouvertes qui semblaient respirer, devant cette verdure naissante, ces gazons, ces mousses remplis d'un nombre innombrable d'hôtes divers ; à ces chants, à ces cris qui tranchaient par intervalles sur la sourde rumeur de la terre en travail, si continue, si intense, et si douce qu'on eût cru entendre circuler la sève de rameau en rameau et bouillonner dans le lointain les sources de la vie, je ne sais pourquoi j'imaginai que depuis ma pensée jusqu'au frémissement le plus léger du plus chétif des êtres, tout allait retentir au sein de la nature, en un centre profond, cœur du monde, conscience des consciences, formant de l'assemblage des faibles et obscurs sentiments isolés dans chacune d'elles un puissant et lumineux faisceau. Et il me parut que cette nature, sensible à mon angoisse, cherchait en mille façons à m'avertir : tous les bruits étaient des paroles, tous les mouvements étaient des signes. Debout au pied d'un vieil arbre, je le regardais avec inquiétude et avec une sorte de déférence, quand, la brise passant, il inclinait ou secouait lentement sa tête chenue. Quel est cet oiseau de proie dont j'affronte les serres, disais-je en moi-même, ou quel est ce sort glorieux que je me prépare ? Toutefois, j'avançai la main, je saisis la feuille fatale.
Oeuvres posthumes publiées par Charles Renouvier
source http://www.paysan-breton.fr/article/2865/dept-22-l%92aviculture-au-pays-de-quintin:une-belle-histoire-qui-ne-demande-qu%92a-se-repeter.html
(Dépt 22) L'aviculture au Pays de Quintin:Une belle histoire qui ne demande qu'à se répéter
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Hebdomadaire N° 2480 - 08/11/2002 |
L'œuf et la volaille au Pays de Quintin, c'est à la fois une longue et belle histoire. La soirée débat-témoignages organisée, mardi soir à la MJC de Quintin dans le cadre des festivités de la foire Saint-Martin, animée par Pierre Rouaut, agriculteur, vice-président de la Foire, a permis à la fois de retracer cette épopée, de rappeler le poids économique et social de l'aviculture aujourd'hui et de jeter un regard sur les perspectives d'avenir, avec des atouts indéniables mais aussi des craintes.
Le développement de la production avicole sur le Pays de Quintin date des années 1950. Après la seconde guerre mondiale, André Studler, qui avait servi dans l'armée américaine et acquis la nationalité importa, non sans difficultés, 700 poussins et du matériel (incubateur, concasseur, mélangeuse). Annick Studler son épouse, a rappelé l'histoire de la société. Il avait fait le choix judicieux d'importer des animaux pour produire des œufs roux, préférés aux œufs blancs par la ménagère française. Rapidement l'affaire se développe et des producteurs se lancent à leur tour dans la production. Naissent ainsi les premiers couvoirs modernisés pour approvisionner les élevages.
La société Studler prendra ensuite un essor international, présente dans plus de 60 pays. L'affaire familiale du départ représente en 1972, 1 million de reproducteurs, 200 000 m2 de poulaillers et 1037 emplois. Elle rejoindra l'institut Mérieux et l'Inra pour constituer l'Institut de sélection animale (ISA) en 1975.
Un terreau favorable
La production avicole trouvera dans le pays de Quintin un terreau favorable. De nombreux agriculteurs séduits mettent en place des ateliers. Mais surtout les éleveurs progressent rapidement, d'abord au travers des échanges au sein du Ceta avicole et plus tard profitent de la mise en place de la station expérimentale d'aviculture de Ploufragan et un peu plus tard du Centre de promotion sociale. Arthur Charles, témoin de cette soirée en fut l'un des principaux artisans. Il ne parle cependnant pas du passé avec nostalgie et considère que «l'évocation du passé n'a d'intérêt qu'en fonction de ce qu'il enseigne, pour mieux rebondir dans le présent et éclairer pour l'avenir».
L'histoire de l'aviculture se caractérise aussi par une impressionnante évolution à tous les stades de la filière. Quelques chiffres l'illustrent. Jean -Jacques Trévidy, de la société Hubbard-ISA soulignent : «En 1966 pour produire un poulet de 2 kg, il fallait 63 jours et 2,3 kg d'aliments; en 1985 pour ce même poulet, 2,1 kg d'aliment suffisaient sur 50 jours; en 2002, il se produit en 40 jours avec 1,8 kg d'aliment. De même une poule qui ne pondait que 225 œufs en 1965 en pond aujourd'hui plus de 300 avec là aussi une diminution d'un tiers de la quantité d'aliment pour un kilo d'œufs produit : 3 kg en 1965 contre 2,1 kg aujourd'hui».
Cette progression est à la fois le résultat de la sélection génétique et de la conduite d'élevage par des éleveurs de mieux en mieux formés, dans des bâtiments mieux adaptés et avec des aliments plus performants. M. Le Men, PDG des aliments Le Men, le souligne : «Nous avons dû nous adapter aux nouvelles souches, mais aussi aux nouvelles contraintes. Par exemple celles liées à l'interdiction de l'utilisation des farines et graisses animales». Ils ont même franchi un cap supplémentaire en offrant des aliments hygiénisés. Ses craintes sont aujourd'hui de voir la production régresser et la forte dépendance en protéines de l'étranger.
Des milliers d'emplois
En aval aussi, la production avicole représente pour le Pays de Quintin un poids non négligeable, qu'il s'agisse des unités d'abattage, de découpe ou de transformation (LDC pour la volaille de chair, Socavol pour la poule de réforme...) ou des unités de valorisation des œufs (EPI-Bretagne pour les ovoproduits destinés essentiellement à la restauration hors foyer ou à l'industrie alimentaire). Elles sont à la fois créatrices d'emplois sur la région et apportent de la valeur ajoutée à la production locale.
Ce sont au total en Bretagne près de 20 000 acteurs dont 1400 sur la région quintinaise (éleveurs et salariés) qui vivent de l'aviculture. »Mais certains vivent mieux que d'autres», insiste Jo Pennors, élu salarié de la Chambre d'agriculture. Intégration pour les éleveurs, conditions de travail difficiles pour certains salariés de la transformation constituent les points noirs de la filière. Par contre la Bretagne peut se prévaloir d'avoir des éleveurs performants techniquement. «Nous faisons de la qualité», martèle Robert Ponthou, éleveur. Et des outils industriels de pointe.
Un avenir si ....
Jo Pennors se montre particulièrement inquiet sur plusieurs points : «une opinion publique qui veut défendre l'emploi industriel mais fustige l'élevage en l'accusant de tous les maux; une concurrence déloyale avec des importations sans les mêmes contraintes sanitaires; un consommateur pas toujours facile à suivre entre ses attentes déclarées et son comportement; un éloignement des lieux de décision». Jean-Noël Sidaner, vice-président de la Chambre d'agriculture et président du Cravi admet qu'il est difficile de donner des perspectives. Rejoignant Jo Pennors sur les inquiétudes. Il ne veut cependant pas sombrer dans le pessimisme et préfère établir les conditions d'un avenir serein pour tous les acteurs : «Le maintien d'outils performants, la nécessité d'un dialogue plus approfondi entre les acteurs, la reconnaissance de tous les maillons, notamment par le revenu, la poursuite des démarches de certification pour rassurer le consommateur, une organisation de la filière forte pour faire face à la concurrence».
Pierre Dénès |
Entre la rue de la Motte Piquet et la rue Suffren il a sa rue à Paris ! à quelques mètres de la Tour Eiffel !
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